Violences conjugales – Témoignage

Stéphanie a 44 ans. Elle a subi des violences conjugales de la part de son conjoint pendant 5 ans, dès l’âge de 18 ans. Aujourd’hui elle vit seule avec son deuxième fils adolescent.

Stéphanie, quand et comment ont débuté les violences portées par ton conjoint ?
J’avais 18 ans, je voulais absolument partir de chez mes parents où il n’y avait pas une bonne ambiance. X avait 5 ans de plus que moi et tout allait bien entre nous jusqu’à ce que j’emménage avec lui. Très vite il a montré son vrai visage. C’était un pervers narcissique, il me battait et m’humiliait à la moindre occasion. L’alcool était la raison de son comportement, et comme il buvait tout le temps…

Il m’a éloignée de mes amis et de ma famille, j’étais sous son emprise. J’ai essayé de le quitter à plusieurs reprises pendant ces cinq ans, alors j’étais hébergée chez des amis. Mais à chaque fois je revenais : il me menaçait et me faisait peur, ou bien il m’écrivait des lettres d’amour dans lesquelles il me disait qu’il ne recommencerait plus. Il a aussi fait du chantage au suicide.

Qu’est-ce qui t’a poussée à partir pour de bon ?
Nous venions d’avoir un bébé. Il ne me frappait jamais devant lui car je sentais les coups venir et je l’isolais dans la chambre. Mais un jour, les coups sont partis avant, et le petit a tout vu. C’est là que je me suis dit que ça ne pouvait pas durer.

Qu’as-tu fait à ce moment et quelles ont été tes démarches pour t’en sortir ?
J’ai fait une demande de logement, mais j’étais sans revenus. Heureusement le SIL (ex AUDACIA) m’a beaucoup aidée.

J’ai dû aller dans un foyer pour femmes battues, mais je l’ai très mal vécu. Il y avait beaucoup d’hommes qui venaient y menacer leur conjointe et ça n’était pas rassurant. Des femmes pouvaient avoir des comportements dangereux aussi. Je trouve que ça n’est pas adapté pour une femme dans cette situation.

Finalement, on m’a trouvé un logement provisoire, et parce que j’ai un peu de caractère, j’ai réussi à le garder pendant 9 ans, grâce à un glissement de bail. Cela nous a permis de nous reconstruire, mon fils et moi.

Comment cela s’est-il passé avec ton ex-compagnon ?
Il m’a poursuivie pendant deux ans encore. En fait, il s’est installé devant chez moi et venait cogner à la porte toutes les nuits. J’ai fait plusieurs mains courantes. La police se déplaçait souvent.

Malgré cela, la justice a laissé un droit de visite du petit à son père parce que “le passé est le passé”. Mais un jour, mon fils a failli mourir faute de soin pendant qu’il était chez lui, et le père a été déchu de ses droits. Depuis, il a refait sa vie ailleurs.

Quelles conséquences tout cela a entraîné pour toi ?
J’ai mis 5 ans à vraiment m’en remettre, mais je pense que c’est aussi lié à mon caractère.
J’ai eu un suivi psychologique, et mon fils aussi. Le plus dur a été de retrouver une confiance en moi. Mais aujourd’hui je vais bien, et je me sens libre.

A ton avis, que manque-t-il aujourd’hui pour porter une aide plus efficace aux femmes qui subissent des violences telles que celles que tu as vécu ?
Je pense que tout est dans le logement. Il n’y a pas assez d’offre de logements pour les femmes qui n’ont pas grand-chose et qui veulent partir et quitter un conjoint violent. Je suis certaine que s’il y en avait plus, beaucoup plus de femmes partiraient en sachant qu’elles vont trouver un toit rassurant, avec un soutien financier aussi.

Il faudrait créer des groupes de paroles aussi, pour les femmes dans la même situation. Lorsque j’étais au foyer, j’ai rencontré une femme qui m’a raconté ce qu’elle vivait. Je me suis dit que finalement je ne devais pas attendre d’en arriver à sa situation pour réagir. Ça m’a aidée à ne plus jamais vouloir revenir vers mon bourreau.